visuelvivantgesteimage

Danser, rencontrer, dialoguer pour créer de nouveaux mondes avec Smaïl Kanouté

Never Twenty One © Collectif Racine

« Je crée un dialogue entre les arts visuels et la danse car cela me permet de créer des nouveaux mondes… »

Smaïl Kanouté

En raison du contexte actuel, les Ateliers Médicis créent une programmation en ligne avec toujours l’engagement à coeur d’accompagner et de promouvoir les artistes et leurs œuvres. Le film documentaire Never Twenty One du collectif Racine avec Smaïl Kanouté est ainsi donné à (re)découvrir, en exclusivité.

Never Twenty One rend hommage aux jeunes victimes aux États-Unis, qui n’atteindront jamais la majorité à cause des armes à feu. Cette expression provenant du mouvement Black Lives Matter dénonce ces décès précoces qui rongent notamment les quartiers de New York tel le Bronx. Film documentaire primé à l’Urban Films Festival et Dance on Screen Festival 2019.

L’occasion d’explorer le travail d’un artiste aux multiples facettes : Smaïl Kanouté, à la fois graphiste, sérigraphe, plasticien et danseur professionnel. Il fait partie de cette jeune génération qui renouvelle les codes visuels et esthétiques à travers ses créations.

« J’ai appris à danser en rencontrant les gens »

Smaïl Kanouté © DR

« J’ai appris à danser en rencontrant les gens, c’est-à-dire que je dansais et partageais des pas de danses avec des personnes dans les fêtes et les soirées. Ces événements étaient ma salle d’entrainement. J’ai toujours aimé danser car j’avais du mal à m’exprimer par la parole en raison de mon bégaiement. Donc petit à petit, j’ai développé ces capacités en danse pour m’amuser, me chercher, me découvrir et surtout communiquer avec les gens sans employer de mots. »

[•••] 

« J’ai rencontré les arts plastiques en travaillant sept ans dans l’association Méharées qui venait en aide aux écoliers à travers l’art dans le monde. J’ai dès lors commencé à dessiner et à peindre au sein de cette association humanitaire pour récolter des fonds et financer des projets. »

« Je crée un dialogue entre les arts visuels et la danse car cela me permet de créer des nouveaux mondes »

Smaïl Kanouté © DR

« La rencontre est la base de mon interdisciplinarité artistique car pour moi la danse et le graphisme sont indissociables de mon processus créatif, c’est une question de courbes, de lignes, de couleurs, de rythmes et d’énergies. Je crée un dialogue entre les arts visuels et la danse car cela me permet de créer des nouveaux mondes... » 

[•••] 

« En 2005, je suis entré à l’École des Arts Décoratifs de Paris (ENSAD). J’y ai appris le design graphique, la sérigraphie et l’interdisciplinarité qui ont nourri ma créativité. En 2010, à Rio de Janeiro, j’ai rencontré Deug qui m’a enseigné la sérigraphie artisanale. De retour à Paris, j’ai créé le collectif WEAR’T avec Charline Troutot et Louis Bottero, autour de collection de pièces uniques sérigraphiées. J’ai ensuite fait plusieurs créations dans l’univers de la mode, entre autre pour le styliste Xuly Bët. »

[•••] 

« À la fin de mon diplôme à l’ENSAD, j’ai dansé pour la chorégraphe Raphaëlle Delaunay dans Bitter Sugar et pour le chorégraphe Radhouane El Meddeb dans Heroes. Cela m’a donné envie de créer ma compagnie. En 2016, j’ai créé la compagnie Vivons pour explorer mes champs artistiques de prédilection. »

« J’ai choisi la danse car pour moi, c’est le seul moment où je me sens vivant dans le monde visible et invisible »

Smaïl Kanouté – Jidust en juin 2019 aux Ateliers Médicis © Smaïl Kanouté

« Je dialogue à la fois avec le public dans le monde visible mais aussi avec les énergies dans le monde invisible. Ce sont des moments magnifiques et uniques car je rentre en connexion avec l’univers. Je vis les choses avec le corps, des idées, des sensations, des émotions qui nous traversent et aussi la transmission d’énergie et d’émotions que je transmets aux partenaires ou au public. J’adore la transformation que la danse opère chez moi dans le corps, l’esprit, le regard, l’émotion et l’énergie. La danse, c’est la vie. »

« J’avais envie de traiter un sujet social, avec des témoignages, à travers la danse »

Never Twenty One © Collectif Racine

« En 2018, j’ai été invité à présenter ma pièce Les Actes du désert, parlant de l’histoire de ma famille au Mali, au festival activiste “Performing The World” à New York.Avant d’y aller, je me suis intéressé aux violences liées aux armes à feu dans le quartier du Bronx et j’ai demandé à une amie de partager avec moi des témoignages sur ce sujet. J’ai eu l’idée de travailler sur un nouveau court métrage et de profiter de mon séjour pour le réaliser. J’ai écrit un scénario et une chorégraphie pour retracer ces témoignages comme une histoire qui part du fonctionnement du business d’armes à feu et arrive à la perte d’un proche lié à ce système. » 

[•••] 

« J’avais envie de traiter un sujet social, avec des témoignages, à travers la danse. Ce fut une première et un tournant dans mon travail artistique. » 

[•••] 

« Je me suis intéressé à la communauté afro-américaine à travers ces jeunes qui disparaissent soudainement. Le mouvement Black Live Matters m’a inspiré pour parler de ce sujet. Arrivé à New York, nous avons donc tourné avec Henri Coutant, réalisateur du collectif Racine, les différentes scènes du court métrage Never Twenty One, rencontré quelques personnes d’un quartier du Bronx avant le tournage, pour comprendre leurs conditions de vie par rapport à cette violence.Ça a été le meilleur tournage que j’ai vécu, c’était riche en rencontres, en énergies, et j’avais enfin le sentiment d’avoir réalisé ma mission à travers une création artistique : parler de la vie, raconter des vies à travers la danse et le graphisme. »

« Rendre hommage à ces jeunes victimes des armes à feu, à New York, Rio de Janeiro, Soweto… qui décèdent avant l’âge de vingt et un ans »

Never Twenty One © Collectif Racine

« En 2019, j’ai décidé d’approfondir le travail sur ce sujet en créant une pièce sur scène à partir du court métrage en extrapolant sur les villes de Rio et de Johannesbourg avec un trio de danseur. C’est ce projet de pièce chorégraphique de Never Twenty One que je développe aux Ateliers Médicis. Nous sommes trois sur scènes. Avec cette pièce je veux continuer à rendre hommage à ces jeunes victimes des armes à feu, à New York, Rio de Janeiro, Soweto… qui décèdent avant l’âge de vingt et un ans. »

[•••] 

« J’ai rencontré l’été dernier, aux Ateliers Médicis, Antoine Pinchaud, beatboxeur venu proposer des ateliers aux enfants de Clichy-sous-Bois et Montfermeil. J’ai aimé son travail et nous allons travailler ensemble sur un son pour le spectacle. »

Entretien réalisé par les Ateliers Médicis, dans le cadre de la série : « Deux ou trois choses sur ».

Never Twenty One © Collectif Racine

Never twenty One

À travers des témoignages de victimes du système de vente des armes à feu, un jeune danseur crie sa rage, la perte de ses proches, son emprisonnement dans ce cercle vicieux qui le pousse à jouer avec sa vie. Il devient la cicatrice de ces vies sacrifiées, de leurs souvenirs, de leurs mots gravés à tout jamais dans cette malédiction du nombre 21.

🎥 Réalisateurs : Smaïl Kanouté, Henri Coutant, Kevin Gay
💿 Musique : Thomas Bangalter – Rectum / (Label Roulé), Masahiro Ikumi – Virtual (Voici Version – OST of Perfect Blue)

Qui est le collectif Racine ?

© Collectif Racine

Le collectif Racine a été créé en 2013 par Kevin Gay (réalisateur), Henri Coutant (photographe) et Smaïl Kanouté (chorégraphe et interprète) pour réaliser des vidéos de danse en collaborant avec des artistes contemporains tels que Philippe Baudelocque et Antonin fourneau. Ces vidéos expérimentales sont à la lisière de la fiction, du documentaire et du court-métrage. Elles sont poétiques, artistiques, parfois engagées pour traiter des sujets sociaux actuels dans le monde entier. Le collectif a effectué la réalisation et la direction artistique de clips vidéos tels que Mutate et Radiate de Jeanne Added, Bright shadows d’Anne Paceo, Sweet Cigarette de Vitalic. Les vidéos Univers en collaboration avec Philippe Baudelocque et Jidust en collaboration avec Antonin Fourneau ont été primées à l’Urban Films Festival en 2016 et 2018.

Qui est Smaïl Kanouté ?

Smaïl Kanouté © Ruben Mbengi

Smaïl Kanouté se présente comme « choré-graphiste », car la danse et le graphisme sont indissociables de son processus créatif. Ses œuvres picturales comme scéniques sont reconnaissables par des motifs expressifs, sorte d’alphabet moderne et abstrait, auxquels il donne vie à travers son corps. Dès le départ, ses projets bénéficient de l’accompagnement de structures culturelles référentes : Centquatre, Mains d’Œuvres, Fabrique de la Danse, IMA, Palais de la Porte Dorée, Philharmonie de Paris…

Il fonde la Compagnie Vivons en 2016. En résidence aux Ateliers Médicis, Smaïl Kanouté pilote un Contrat Local d’Éducation Artistique sur le sujet des Constellations familiales.Dans l’univers de la mode et du design, il a réalisé plusieurs projets : avec le styliste XULY-Bët pour la collection présentée à la New York Fashion Week 2016, à deux reprises pour le festival Afropunk sur des vêtements et sur la customisation de chaussures pour la marque Dr. Martens lors de l’édition 2017 à Paris, et pour la marque Panafrica Shoes sur la création d’une série de motifs à la croisée des chemins entre tradition inspirée du wax coloré et modernité du street art. En 2017, il est le modèle dansant de l’artiste designer Evans Mbugua dont les œuvres sont présentées en Allemagne, à Londres et au Art Paris Art Fair 2018. En 2019, il expose à l’HCS Boutique-Galerie et à la Galerie BZZ à Paris une série d’affiches AFRONINPO, dans laquelle dialoguent motifs africains, japonais et aborigènes.