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La danse : un décompte sans fin avec Boris Charmatz

Exploration des dimensions illimitées de la danse, synesthésique,  à travers un entretien avec Boris Charmatz. L’artiste a présenté en décembre dernier sa création : Infini au Phénix de Valenciennes dans le cadre du Next Festival. À cette occasion, les jeunes du Labo Médias du Théâtre Le Grand Bleu à Lille se sont entretenus avec lui, pour leur blog Scène News. Extraits ci-dessous. 

Figure majeure de la danse contemporaine, Boris Charmatz est artiste associé au Phénix de Valenciennes. Sa dernière création « Infini » est un « décompte sans fin ».

Infini – Le Phénix, Valenciennes © DR

« J’aimais bien l’idée que la musique, se regarde et que la danse s’écoute »

Boris Charmatz – [•••] Quand j’étais petit, je faisais du ping-pong, du violon et de la danse. Comme j’étais hyper sérieux, je voulais à tout prix – ce n’était pas des loisirs – soit devenir pongiste professionnel, soit devenir violoniste professionnel, soit devenir danseur professionnel. Je me suis dis que je préférais de loin le ping-pong à la danse, mais j’avais l’impression qu’il n’y avait pas assez de points d’interrogations sur le ping-pong. Il fallait gagner, progresser, s’entraîner, mais ce n’était pas assez flou. Et le violon encore moins : j’avais l’impression qu’être violoniste c’était déjà un travail très défini, alors qu’être danseur on ne savait pas ce que c’était. Ça allait de la TV à l’opéra, et pour certaines personnes c’est de la prostitution. On ne sait pas ce que c’est, et pour un garçon faire de la danse, c’est déjà quelque chose qu’on a du mal à dire à ses copains quand on est au collège. Donc c’est quelque chose, non pas de flou, mais plein de points d’interrogations. C’est pour ça que j’ai fait de la danse. Et en fait, j’aime bien l’idée que la musique se regarde, et que la danse s’écoute aussi, beaucoup. En premier lieu parce que les danseurs font du bruit, parce qu’ils sont asthmatiques, parce qu’ils rebondissent, parce qu’ils sont fatigués. Il y a toute une dimension sensorielle qui n’est pas que l’image.

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Infini – Le Phénix, Valenciennes © DR

« Les mathématiques dans la danse, c’est pour compter la musique »

BC – Comme je dis habituellement, les mathématiques dans la danse, c’est pour compter la musique. Au lieu d’apprendre la musique, tu apprends à compter la musique. C’est comme ça pour les danseurs, dans la danse traditionnelle, dans les ballets et dans beaucoup de danses modernes. Tu comptes la musique, et aussi l’espace, car tu comptes les pas sur la musique, alors compter définit ton espace dans le temps. Ce que j’aimais dans les mathématiques, ce n’était pas vraiment les opérations, les additions, les divisions, les fractions, mais compter comme un enfant. Tu comptes jusqu’au moment où tu comprends que tu peux compter un de plus et un de plus, jusqu’à… Mais justement, il n’y pas pas de « jusqu’à » : tu peux toujours continuer. En fait, ce que l’on fait n’est pas tellement connecté avec les mathématiques, mais connecté avec le sentiment de compter, le sentiment que peuvent procurer les mathématiques. 

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danse de nuit – Cour Carrée du Musée du Louvre, Paris © Vincent Pontet – Festival d’Automne à Paris

« Cela se passe entre les danseurs, la danse et les spectateurs. C’est ça la chorégraphie »

BC – Dans la pièce danse de nuit, ce que j’aime le plus, c’est que la chorégraphie, ne se résume pas seulement à ce que font les danseurs. Habituellement, c’est ce que l’on pense, que la chorégraphie est : ce que l’on compose pour les danseurs et le spectateur regarde ça, en théorie. Bien sûr, il y a beaucoup de choses qui se passent dans la tête du spectateur. Il regarde, mais il est possible que la danse l’emmène ailleurs, à un endroit où lui aussi serait en train de danser. Dans « danse de nuit », la chorégraphie va au-delà de ce que font les danseurs, mais c’est vraiment aussi ce qu’il se passe dans le public. Comment on façonne le public par la danse. [•••] Donc le public devient la chorégraphie. Ce n’est pas vraiment que la danse devient le public et que l’on est en train de le chorégraphier, mais cela se passe entre les danseurs, la danse et les spectateurs. C’est ça la chorégraphie. 

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📺  Entretien à retrouver en intégralité : ICI

Boris Charmatz © DR

Qui est Boris Charmatz ?

Boris Charmatz est né le 3 janvier 1973 à Chambéry. Danseur, chorégraphe et directeur de Terrain, il soumet la danse à des contraintes formelles qui redéfinissent le champ de ses possibilités. La scène lui sert de brouillon où jeter concepts et concentrés organiques, afin d’observer les réactions chimiques, les intensités et les tensions naissant de leur rencontre.

Scène News, Labo Médias © Le Grand Bleu

Qu’est ce que Scène News ?

Scène News est le blog du Labo Médias du Théâtre Le Grand Bleu. Le Labo Médias est construit en partenariat avec l’Académie de l’École Supérieure de Journalisme de Lille et avec le soutien de la Ville de Lille, il initie des jeunes de 15 à 22 ans aux différents outils et pratiques médiatiques tout au long de la saison. Nourris par l’actualité culturelle et la vie du Grand Bleu, ils produisent leurs propres articles, émissions, matières sonores et vidéos sur leur blog. Du 4 au 8 déc. 2019, ils ont travaillé avec d’autres jeunes européens autour du NEXT Festival, accompagnés par des journalistes professionnels. 

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