Tout au long de Transat, les artistes et structures d’accueil prennent la parole autour de leur projet de résidence — à retrouver, ici et sur ateliersmedicis.fr, chaque semaine, à travers des reportages in-situ menés par les Ateliers Médicis et des entretiens menés par jigsaw pour les Ateliers Médicis.
Aujourd’hui : un double entretien avec Marine Bourlet, artiste accueillie en résidence par la Cité du Design et avec Sylvie Sauvignet, responsable médiation de la Cité du Design de Saint-Étienne.
Avec la Petite Usine d’Objets de Parole (PUOP) installée à la Cité du Design de Saint-Étienne dans la Loire, Marine Bourlet, designer-scénographe, invite les enfants accompagnés de leurs parents, à confectionner des « objets de prise de parole » en laine de mouton naturelle feutrée. Des objets aux formes étranges certes. Mais, après la période de confinement, l’artiste propose aux enfants de fabriquer des petites présences rassurantes et douillettes. La création de cette nouvelle famille de formes sculpturales en laine s’inscrit dans Open Sculpture, le projet de l’artiste sur l’art comme prise de soin. Ces ateliers sont une sorte de « tentacule dédiée aux enfants » et aussi l’occasion d’aborder la matière utilisée et l’écologie.
Qu’est-ce qui vous a incité à participer à Transat ?
Marine Bourlet — Je suis à la tête du collectif Commun.e.mpreinte qui est plutôt orienté art du spectacle et c’est par là que j’ai entendu parler du projet. J’ai vu dans cette résidence l’opportunité de développer un projet par rapport à ma pratique personnelle de designeuse et d’essayer un nouveau format en lien avec la Cité du Design pour laquelle je travaillais déjà en tant que médiatrice depuis 3 ans. La médiation au-delà d’un travail a toujours fait partie de mes préoccupations et c’est pour moi un socle pour envisager de possibles co-créations, ne serait-ce qu’entre le design et le spectacle vivant.
Comment intégrez vous la notion de transmission dans votre travail ?
MB — La médiation est complètement constitutive de ma manière de travailler, personnellement ou collectivement. La notion de co-construction que j’ai intégré dans la sculpture est récurrente dans le design et me permet de travailler avec des gens très différents et de prêter particulièrement attention au contexte. La première tentacule du projet Open Sculpture que j’ai développé en 2019 lorsque j’étais encore étudiante se déployait dans un open space mais les autres récurrences ont pu prendre la forme d’ateliers avec des enfants, de projets de danse… J’ai développé énormément de projets liés aux pratiques corporelles et je pense mes sculptures comme des objets à danser, des partenaires pour des danseurs : cela implique une participation du public. La dimension corporelle des figures en laines d’Open Sculpture incite à reprendre des mouvements pionniers dans l’histoire de la danse et de la chorégraphie. Que ce soit par l’atelier ou la performance, j’essaie de transmettre une histoire de la danse. Je suis toujours dans une démarche de créer des outils, et à partir de ces outils un atelier ou un espace d’échange qui me permet de nourrir une création formelle ; à la suite des choses. Open Sculpture me permet de penser sur du long terme. Les matières avec lesquelles je travaille sont naturelles et s’inscrivent dans une approche durable dans tous les sens du terme.
Quelle est la place du territoire et du public dans votre approche de la création ? Comment vos recherches se nourrissent-elles de ces expériences avec le public ?
MB — Quand on se forme au design, on met tout de suite au centre l’usager et la question du service, de la manière dont l’autre va interagir. Même dans ma pratique devenue plus plasticienne à certains endroits, c’est resté quelque chose d’assez central. Je me reconnais dans la notion d’esthétique relationnelle dans le sens où je produis des pièces pour créer un échange, un terrain propice avec le public. Ma production artistique s’inscrit dans la rencontre, la transmission et même au travers du collectif avec lequel je produis des spectacles, je constate que ce sont par des résidences que se construisent les projets, que c’est pas la médiation que nous nous enrichissons. Nous avions par exemple au cours d’une résidence co-construit des objets sonores ; les matières sonores que nous avions produit ensemble nous les avons réutilisé. Pour Open sculpture, je travaille avec un ostéopathe autour des sulcrum qui sont des points de relations dans le corps mais qui témoignent aussi de rapports intimes. La fabrication d’un objet avant de développer un atelier de danse permet de mettre à l’aise, d’établir un rapport de confiance.
Que peut apporter, selon vous, la présence d’un artiste au sein de la Cité du Design ?
Sylvie Sauvignet — Pour nous la place de l’artiste, du créateur est une place historique dans notre projet de structure. Lorsque nous avons créé la Cité du Design en fin 2009-début 2010, le service médiation n’était pas intégré et le lien s’est naturellement fait avec l’école de design qui fait parti de la même structure, du même EPCC. Nous travaillons au quotidien avec ce vivier de la jeune création et les étudiants qui font partie de notre équipe sont très investis et très au fait des enjeux du design contemporain, de son histoire.
Comment vos publics peuvent-il se saisir de ces présences et quelle est la place d’une approche artistique dans votre projet de structure ?
SS — La Cité du Design est située sur un site patrimonial bien connu des stéphanois mais faire passer la grande porte n’est pas toujours aisé. Suite au COVID, nous n’avions plus d’exposition et nous avons cherché à penser autrement et rapidement une programmation d’été. Il y aura ainsi une vitrophanie dans l’espace et des ateliers en plus de ceux que Marine Bourlet pourra proposer. Notre but est d’initier au design des gens qui ne partiraient pas en vacances et ainsi continuer notre mission de sensibilisation par la pratique. Nous comptons par la générosité de la proposition, en proposant de plus en plus d’activités gratuites, attirer un public plus large. Cette résidence préfigure en réalité un projet que nous avons pour 2021 qui est un espace « découverte design » : un lieu permanent qui ne serait pas une exposition ni un lieu d’atelier mais qui permettrait en autonomie la pratique, la rencontre ou même le repos. Dans ce projet, nous voudrions accueillir des designers en résidence avec la question de la médiation autour des projets, et Transat nous permet déjà d’être dans la préfiguration de cet espace de liberté de la découverte.
Quelle spécificité de votre lieu vous semble-t-elle cruciale à appréhender de l’extérieur et que pourrait « révéler » un artiste ?
SS — Faire comprendre ce qu’est le design est paradoxalement moins simple que de parler d’art. On dit qu’il est partout mais l’attention aux objets du quotidien, au-delà de leur simple esthétisme, n’est pas acquise. Il nous faut réapprendre à regarder un objet courant pour retrouver l’ADN du bon design qui est l’empathie. L’essence même du design qu’on a chez nous, que l’on garde est cette façon de répondre aux usages et d’aller encore au-delà. Le projet de Marine Bourlet répond pleinement à ces objectifs-là.
🖊️ Double entretien réalisé par jigsaw pour les Ateliers Médicis, à retrouver : ICI
Transat : 102 résidences d’artistes en France, cet été
Transat, ce sont des résidences de 3 à 6 semaines consacrées pour la moitié à la création personnelle de l’artiste et pour moitié à la rencontre avec le public et la transmission. Une bourse entre 2000 € et 5000 € est allouée à chaque résidence en fonction de sa durée et du nombre d’artistes. Transat est financé par le ministère de la Culture, dans le cadre de l’Été culturel. Plus de cent artistes installent leur atelier, du 20 juillet au 30 août, dans des centres de loisirs, EHPAD, MJC, centres d’hébergement, lieux culturels situés dans toute la France, en milieu rural ou quartiers périphériques. Une enquête sur le patrimoine chorégraphique des communautés tamoules en région parisienne, un spectacle sur l’émancipation des enfants avec les résidents d’un EHPAD, une installation participative sur les antennes paraboliques à La Réunion : âgés de trente ans en moyenne, représentant toutes les disciplines, les artistes de Transat partent à la rencontre des enfants et des habitants, pour partager leurs projets de création, transmettre leur passion et leurs savoir-faire.
🏖️ Transat : festival inédit de résidences d’artistes
🕒 Jusqu’au 30 août
📩 Plus d’informations : ICI
👥 Une initiative conjointe des Ateliers Médicis et du ministère de la Culture, avec le soutien de Arte, les Inrocks, Télérama et France Culture
📖 Dossier de presse : ICI