Le metteur en scène Mohamed El Khatib a présenté au théâtre du Grand Bleu, en décembre dernier, sa création : La dispute. Une pièce sur le divorce, écrite à hauteur d’enfants : sur scène, ses acteurs n’ont guère plus de neuf ans.
Dans La dispute, parce qu’ils sont les premiers concernés, et souvent les moins entendus, Mohamed El Khatib a invité des enfants de parents séparés à mettre des mots sur leur parcours. Comment vivent-ils la déchirure, la décision de leurs parents ? L’ont-ils devinée ? Ont-ils pris parti ? Comment refont-ils leur vie ? Il est allé à leur rencontre partout en France, a recueilli une parole sans filtre, et son spectacle qui a été interprété notamment par huit enfants de huit ans, a évolué sur le fil, entre audace et pudeur, émotion et espièglerie. Façonnée par le prisme de l’enfance dès son écriture, cette création, brute dans la forme comme dans le fond, fait rimer théâtre et vérité.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur le thème de la séparation ?
Mohamed El Khatib – Je ne choisis pas les thèmes, la plupart du temps c’est accidentel. C’est à dire, que je rencontre des gens ou je provoque des rencontres, elles se font naturellement dans la vie et à partir de cette rencontre, la thématique s’impose d’elle-même. Là, c’est en discutant avec des enfants : je me suis rendu compte que, spontanément, ils parlaient beaucoup de séparation et donc la question de la séparation est devenue un vrai sujet d’échanges avec ces enfants, et c’est comme cela que l’on a décidé de traiter cette question. Je n’avais pas d’aprioris lorsque je les ai rencontrés, je ne savais pas de quoi nous allions parler ni ce que nous allions faire ensemble, ni même si nous allions faire quelque chose ensemble, il y a toujours comme cela une part de liberté.
Pourquoi ce titre La dispute ?
MEK – Une fois que l’on s’est mis à parler de la séparation, assez vite on s’est rendu compte qu’un des symptômes ou un des motifs récurrents qui caractérise la séparation – ou l’avant séparation – ce sont les disputes. La répétition des disputes, leur fréquence, leur intensité… et spontanément les enfants parlaient de cela « mes parents se disputent beaucoup », c’est comme cela que c’est devenu La dispute. J’aimais bien aussi le décalage que cela provoquait, car quand on dit spontanément à des gens de théâtre « La dispute », on pense à Marivaux et là ce n’est pas le cas. D’ailleurs il y a un de ces enfants, qui disait « mais qu’est ce qu’elle faisait Marie Vaux dans la vie » en pensant que c’était une femme, c’était assez cocasse. J’aime bien ce faux-ami.
Pourquoi avoir choisi de travailler avec des enfants ?
MEK – Longtemps je n’ai pas voulu, je ne me sentais pas capable d’écrire pour le jeune public, et en même temps je trouvais que c’était plutôt un défi intéressant. C’est un vrai enjeu, je trouve, que de pouvoir s’adresser aux jeunes ; la parole des jeunes de manière générale est trop peu prise en compte. C’est marrant, on le voit dans l’actualité avec Greta Thunberg par exemple, la violence que cela a suscité quand les jeunes prennent la parole, d’un coup, comment on les renvoie du côté de l’immaturité, de la radicalité sur le compte de l’immaturité… et donc j’avais aussi envie de participer à cela, à une attention à avoir réhabilité ou en tous les cas, à relégitimer, bien que les jeunes n’aient pas besoin de nous, une parole d’enfant.
La dispute : en coréalisation avec le NEXT Festival et La rose des vents à Villeneuve d’Ascq. Production Zirlib. Avec le soutien de la Région Hauts-de-France.
Qui est Mohamed El Khatib ?
Le théâtre, chez Mohamed El Khatib, commence toujours par une rencontre. C’est un théâtre du réel, à la frontière du documentaire, à la fois geste social et sensible. Avec Moi, Corinne Dadat, il met en scène une femme de ménage, dans Stadium il ouvre le plateau à une cinquantaine de supporters du RC Lens, pour C’est la vie, il demande à deux comédiens de parler de la perte de leur enfant.
Qu’est ce que Scène News ?
Scène News est le blog du Labo Médias du Grand Bleu. Le Labo Médias est construit en partenariat avec l’Académie de l’École Supérieure de Journalisme de Lille et avec le soutien de la Ville de Lille, il initie des jeunes de 15 à 22 ans aux différents outils et pratiques médiatiques tout au long de la saison. Pour leurs sujets, ils se nourrissent de l’actualité et de la vie du Grand Bleu. Du 4 au 8 déc. 2019, ils ont travaillé avec d’autres jeunes européens autour du NEXT Festival, accompagnés par des journalistes professionnels.