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Rayon Vert : premiers rayons et début d’été avec Fernrohr

Aujourd’hui, s’explore avec Le Rayon Vert : les premiers rayons du soleil d’été à la recherche de ce phénomène optique rare et le début d’une saison artistique inspirée par le roman éponyme de Jules Verne, et portée par le collectif Fernrohr.

Il arrive qu’on l’aperçoive au dernier rayon du soleil couchant. Le Rayon vert tient autant d’une légende que du phénomène optique. Furtif, il n’apparaît qu’une fraction de seconde. Elliptique, il n’est pas toujours reconnu par ceux qui le voient. Le temps d’un été, artistes et auteurs, scientifiques et musiciens vous donnent rendez-vous tous les jours, au coucher du soleil, pour partir à sa recherche.

Collectif Fernrohr
Le Rayon vert – Répétition pour un coucher de soleil © Odilon Coutarel

Lancée avec le solstice d’été, ce samedi 20 juin, au son d’une composition musicale conçue par Philippe Bayle, la saison du Rayon Vert se présente sous la forme de rendez-vous quotidiens numériques, mais également de rencontres, projections et expositions.

Le Rayon vert de Jules Verne aux éditions du Livre de Poche 

« Avez-vous quelquefois observé le soleil qui se couche sur un horizon de mer ? »

Avant même de faire l’objet d’études scientifiques, le rayon vert a été popularisé par Jules Verne dans plusieurs de ses romans, jusqu’à inspirer en 1882 le roman du même nom. On ne sait pas très bien où l’auteur trouve alors son inspiration ; peu connu du grand public, ce phénomène optique fait surtout l’objet de récits de marins et de notes sur des journaux de bords. Il n’empêche que le motif revient à plusieurs reprises jusqu’à devenir une convention narrative, un objectif et finalement un mythe.

Avez-vous quelquefois observé le soleil qui se couche sur un horizon de mer ? Oui ! sans doute. L’avez-vous suivi jusqu’au moment où, la partie supérieure de son disque effleurant la ligne d’eau, il va disparaître ? C’est très probable. Mais avez-vous remarqué le phénomène qui se produit à l’instant précis où l’astre radieux lance son dernier rayon, si le ciel, dégagé de brumes, est alors d’une pureté parfaite ? Non ! peut-être. Eh bien, la première fois que vous trouverez l’occasion, — elle se présente très rarement — de faire cette observation, ce ne sera pas, comme on pourrait le croire, un rayon rouge qui viendra frapper la rétine de votre œil, ce sera un rayon « vert », mais d’un vert merveilleux, d’un vert qu’aucun peintre ne peut obtenir sur sa palette, d’un vert dont la nature, ni dans la teinte si variée des végétaux, ni dans la couleur des mers les plus limpides, n’a jamais reproduit la nuance ! S’il y a du vert dans le Paradis, ce ne peut être que ce vert-là, qui est, sans doute, le vrai vert de l’Espérance !

Jules Verne, Le Rayon vert, 1882

Le récit du Rayon vert pourrait paraître simple et il a, à l’époque, déçu les lecteurs des Voyages Extraordinaires qui n’ont pas retrouvé dans ce roman parmi les plus romantiques de Jules Verne, de machines fantastiques ou de rebondissements singuliers. L’aventure vécue par le personnage principal est avant tout intérieure. Pour échapper au mariage avec le scientifique Aristobulus Ursiclos, Helena Campbell prétexte le besoin de voir le rayon vert qui n’apparaît que l’été au coucher de soleil quand l’horizon est dégagé. La légende, forgée par l’auteur lui-même, dit qu’il permet de voir clair en son cœur ; il permet aussi de déployer sur les côtes écossaises une cartographie sentimentale. Helena Campbell rencontre dans cette attente répétée un jeune peintre Olivier Sainclair qui peut-être lui permettra de regarder autrement le monde qui l’entoure…

Illustration de Léon Bennet pour Le Rayon vert de Jules Verne paru en 1882 aux éditions Hetzel

Des couchers de soleil pour rendez-vous

Le Rayon vert de Jules Verne n’a cessé d’inspirer les scientifiques qui se sont empressés de chercher les causes de ce phénomène mais également les cinéastes tels que Rohmer qui en signe une intelligente adaptation ou les artistes de Duchamp à Tacita Dean en passant par Evariste Richer et Tacita Dean. Ni le milieu du spectacle vivant et l’on pense à Thomas Quillardet, ni la musique que ce soit Gavin Bryars ou plus pop Housse de Racket n’ont oublié ce récit qui nous apprend à chercher des signes dans l’horizon et à être attentif aux variations de lumières.

Pour reprendre le cycle vernien, différentes personnalités invitées par le commissaire général Henri Guette, se prêtent au jeu du rendez-vous quotidien pour proposer des états de recherches. Il peut s’agir de fragments, de compositions, de films et d’archives, de lectures comme d’images fixes, autant de points de vues et de possibles ouverts par cette fenêtre très courte d’un coucher de soleil (de trois à cinq minutes si vous n’avez jamais compter le temps). Rendez-vous évolutif alors que les jours vont en se raccourciçant ces moment de complicité autant que de contemplation rythment une saison qui s’incarne également physiquement.

🔭  Les rendez-vous quotidiens de la saison du Rayon Vert sont visibles, à chaque coucher de soleil : ICI

 Création graphique © Odilon Coutarel et Lisa Bayle

L’éclat dans l’œil du soleil

Que voit-on qui nous empêche de voir ? À trop regarder le soleil des tâches noires viennent se figer sur la rétine, des empreintes de couleurs se surimposent aux formes familières. Quelles sont ces filtres qui nous font considérer un objet de telle manière et l’interpréter de telle autre ? Le phénomène de projection nous concerne jusque dans nos vies intimes et notre façon d’inventer le quotidien. La conscience de la lumière influence notre rapport au paysage et un même bord de mer pourra prendre tour à tour un air mélancolique au coucher du soleil et un air de tragédie sous les coups de midi. 

Jouant avec l’abstraction, le travail de sérigraphie de Camille Le Chatelier avec ses Berlues et les tableaux les plus récents de Hugo Ferretto laisse l’imaginaire opérer et  retrouver des scènes dans des formes esquissés par la couleur et les blancs. Le rapport de contemplation qu’appelle l’image, l’engagement physique du spectateur dans l’espace d’exposition dessine bel et bien un rapport à l’horizon où dans l’ambiguité se jouent et se déjouent les attentes.

Le regard, qu’il vienne d’une fenêtre ou par une porte, est au centre des tableaux que compose Lise Stoufflet qui travaille bien souvent avec l’illusion et les vues conscientes et inconscientes. Dans les paysages d’Ulysse Bordarias, corps et décors se téléscopent pour composer des mouvements urbanistiques parfois érotiques. Le spectateur trouve alors son propre itinéraire, libre lui aussi d’associer et de dissocier, comme dans la série Le tour de l’île de Mathilde Geldhof ou une photo enchasse l’autre par le contour d’une marie-louise. Réunies ensemble ces œuvres mettent l’horizon en perspective. Quel éclat du soleil avons nous dans l’oeil qui nous permet de tirer d’un paysage un signe voire peut-être une épiphanie ?

Artistes : Ulysse Bordarias, Hugo Ferretto, Mathilde Geldhof, Camille Le Chatellier, Lise Stoufflet
Commissariat : Henri Guette

🕒  Jeudi 25 > dimanche 28 juin, de 14:00 à 20:00
📍  Le Houloc, 3 rue du Tournant – 93300 Aubervilliers 
👉🏻 Plus d’informations, à retrouver : ICI

 Création graphique © Odilon Coutarel et Lisa Bayle

Qui est le collectif Fernrohr ?

Formé en 2020, le collectif transdisciplinaire Fernrohr rassemble des personnalités venus des arts visuels, des arts vivants mais aussi du graphisme ou de la littérature. Cercle de réflexion autant que groupe d’action, il entend parer à une forme d’évènementialisation de la culture et repenser certaines formes comme celle de l’exposition, du festival ou du spectacle. Trop souvent cloisonnés par discipline, les saisons ne permettent pas de réel échange entre les structures ou même entre les publics. La situation de crise que traverse le secteur de la culture, encore aggravée par les mesures sanitaires liées au contexte de pandémie, appelle des formes de solidarité inédites et incite à repenser une industrie, notamment autour de son rapport au public. Par une approche globale de la création, Fernrohr n’entend pas répondre à une quelconque injonction de produire, mais cherche à remettre le temps de recherche et de discussion au coeur du processus. Plutôt que de participer à une course au public et au nombre, le collectif entend tirer une leçon de la limitation des jauges et d’autres expériences menées par des dispositifs d’éducation populaire qui visent à impliquer le visiteur ou le spectateur directement. En travaillant sur la narration de projets au long cours, Fernrohr ne distingue plus de temps forts, mais propose une approche renouvelée de l’art dans la vie, une forme de rapprochement entre l’expérience esthétique et le rythme du quotidien. Fernrohr, ou longue vue en allemand, fixe de nouveaux objectifs, et encourage à changer de focale.